Bref historique de la communication
entre l'homme et l'ordinateur

Cours Plurital n° 2 (16 octobre 2007, mis à jour le 16/10/2012)

Jean-François Perrot

(L'expression communication homme-machine ayant un sens précis dans la communauté informatique,
on préfère ne pas l'utiliser ici)
  1. Avant le couple clavier-écran
  2. Clavier et écran alphanumérique
  3. Écran bitmap et imprimante à laser

  1. Avant le couple clavier-écran

    Aux commencements de l'informatique, la communication entre les premiers ordinateurs
    et les personnes de leur entourage était rudimentaire.
    Il n'y avait ni clavier ni écran !

    Les utilisateurs pouvaient communiquer avec la machine de deux manières
    1. Pour des ordres brefs :

      • Un jeu de voyants lumineux permettait de visualiser bit par bit le contenu des registres.
      • Il était assorti d'un jeu de clefs permettant de modifier ce contenu et ainsi d'envoyer des ordres.
      • Voici par exemple la console de commande d'un monstre célèbre des années 60, l'IBM Stretch.

    2. Pour fournir des données et recueillir des résultats on employait une technique héritée de la mécanographie :
      • Les fichiers étaient réalisés par des piles de cartes perforées,
        qui (en sortie) étaient produites par de bruyantes perforatrices,
        et (en entrée) étaient envoyées en mémoire par des lecteurs de cartes.
        Les cartes étaient contenues dans des bacs de cartes (de plusieurs millers de cartes),
        Une partie de ce cartes étaient produites à la main par des employées appelées perforatrices-vérificatrices (perfo-vérif),
        un métier qui a disparu...

      • Lesdites piles de cartes pouvaient aussi être converties en listings,
        sur de longues bandes de papier munies de perforations latérales et pliées feuille par feuille,
        par les soins d'énormes imprimantes,
        qui avaient aussi peu de rapports avec les imprimantes d'aujourd'hui
        que les ordinateurs de l'époque avec nos portables quotidiens.
        Ces imprimantes convertissaient les bits en caractères suivant des codes variés,
        dont le code ASCII est le seul survivant.

      Voyez par exemple à quoi ressemblait l'imprimante IBM 1403 dans les années 60,
      une image du listing d'un des programmes de la mission lunaire Apollo-11 (source),
      et le lecteur de cartes IBM 2501 dans les années 70.

  2. Clavier et écran alphanumérique

    Cette situation a peu évolué, dans son principe, jusqu'aux années 80.
    Les piles de cartes ont cédé la place aux rubans perforés, puis aux bandes magnétiques, puis aux disques idem.

    Les voyants lumineux et les clefs ont été remplacés par des écrans cathodiques assortis de claviers (consoles).
    Ces consoles ont survécu longtemps comme instruments de commande et de contrôle.
    Le modèle le plus célèbre est le VT-100 de Digital Equipment Corporation.

    Les imprimantes se sont allégées, et se sont rapprochées des machines à écrire électriques,
    grâce à la technique des imprimantes à marguerite.

    Ces changements ont modifié considérablement la communication homme-machine, cela va sans dire,
    mais du point de vue qui nous occupe ici, la correspondance demeure entre un caractère-machine (ASCII)
    et un signe unique, dont le rendu graphique ne dépend que du médium utilisé (écran alphanumérique ou imprimante).
    Un a est un a, il n'est pas tracé exactement de la même manière sur l'écran d'un console DEC VT100
    et sur une imprimante à marguerite mais il n'est pas question de lui demander de paraître incliné (en italique)
    ou en gras (sur la VT-100, toutefois, on pourra obtenir un effet de vidéo inverse : blanc sur fond noir).

    On peut encore observer ce comportement archaïque dans la fenêtre Invite de commandes de Windows XP,
    où il est simulé. En voici un échantillon.
  3. Écran bitmap et imprimante à laser

    Les choses changent avec l'apparition concomitante des écrans bitmap (alias écrans matriciels) et des imprimantes à laser.
    La caractéristique de l'écran bitmap est que chaque point de l'écran est individuellement manipulable par programme,
    alors qu'un écran alphanumérique gère lui-même les blocs de points qui affichent les caractères - d'une manière logiquement
    équivalente à ce que fait une machine à écrire [la notion d'écran alphanumérique s'oppose à celle d'écran graphique :
    à présent tous les écrans sont graphiques - ou presque !] .
    Dès lors, l'ordinateur a pour fonction essentielle de dessiner point par point sur son écran, en continu,
    au lieu de lui envoyer des signaux discrets correspondant chacun à un caractère.
    En particulier, il peut associer à un même caractère des rendus graphiques différents au gré du programmeur.

    L'imprimante à laser, de son côté, réalise sur papier l'homologue du bitmap sur écran.
    Grâce à un  médium de communication perfectionné (le langage Postscript, ou son dérivé le Portable Document Format PDF),
    l'ordinateur peut lui commander des tracés arbitrairement compliqués.
    En outre, l'imprimante sait interpréter les ordres de l'ordinateur avec une résolution bien supérieure à celle de l'écran.
    Elle apporte donc une valeur ajoutée, en réalisant un travail d'impression de qualité comparable à celle des machines offset
    des imprimeurs professionnels.

    Dès lors, tout est en place pour que se développe une nouvelle application de l'informatique, la PAO ou
    Publication Assistée par Ordinateur. Elle vient modifier profondément les métiers liés à l'édition,
    mais elle affecte aussi la vie de tout un chacun !
    Tout utilisateur d'un logiciel de traitement de textes sur ordinateur se transforme, volens nolens, en éditeur de ses œuvres.
    En effet, toutes les questions de présentation du texte, de mise en pages, de choix typographiques, qui étaient autrefois
    confiées à l'imprimeur, sont désormais à la portée du rédacteur lui-même.
    Toute publication inclut désormais une part de conception graphique (graphic design) dont la typographie est une composante.
    Le progrès technique et la diffusion via Internet poussant à la compétition, la qualité graphique des documents joue un rôle croissant.
    Dans les entreprises, cette conception graphique est confiée à des professionnels, qui élaborent la charte graphique supposée déterminer le look de l'entreprise.
    Mais la même logique est à l'œuvre pour une personne privée, pour l'étudiant qui rédige son mémoire - comme pour le professeur qui met son cours en ligne !

    Nous sommes tous désormais des graphic designers - plus ou moins bons, plus ou moins mauvais !