20^ème anniversaire du Département d'informatique
de l'IUT de Vannes

Kercado, le 2 mars 2007

Exposé de Jean-François Perrot
Professeur émérite, Université Pierre et Marie Curie, Paris

Heurs et malheurs de la programmation par objets (PPO)

1. I. Triomphe de la PPO
   1. Symbolisé aujourd'hui par le succès de Java
   2. Le point de vue technique
   3. Raisons de ce succès ?
   4. Les attentes (peut-être subliminales, mais d'autant plus prégnantes)
   5. Le miracle
   6. Une programmation pour ingénieurs !
2. II. Limites de la PPO
   1. Ça marche dans de nombreux cas,
   2. mais... tout n'est pas réifiable !
   3. Limites du sens commun
   4. Un exemple de dépassement du sens commun
3. III. Déclin de la PPO
   1. Prépondérance du réseau
   2. Primauté de l'échange
   3. Orientation vers les services
4. Conclusion

I. Triomphe de la PPO

• Symbolisé aujourd'hui par le succès de Java

  Après une histoire assez longue - le succès n'était pas certain au départ !
  
  

• Le point de vue technique

  Apports majeurs de la PPO :
  
  • Grossir le grain (quantum élémentaire de programmation)
    de la bibliothèque de fonctions & procédures à la bibliothèque de classes
    
    • Une procédure c'est plus gros qu'une instruction
      
    • Une classe c'est plus gros qu'une procédure
    • On cherche à présent un grain encore plus gros...
      mais il faudrait qu'il eût un fondement du côté de l'implémentation !
      
    
    
  • Réutilisation : quoi qu'on en dise, ça marche !
    Ne serait-ce qu'au niveau des classes de la distributions standard de Java.
    
    
  • Les méthodes de génie logiciel "à objets" : la spirale contre la cascade,
    OMT de Rumbaugh, la méthode de Booch, OOSE de Jacobson
    
    • leur convergence vers UML (manifestant leur socle commun)
    • l'évolution vers le MDE (Model Driven Engineering) :
      les objets sans le langage, pourquoi pas ?
      C'est ce dont rêvent les ontologistes !
      
  
  

• Raisons de ce succès ?

  Convergence entre une attente et une technique.
  Projection sur la technique d'une vision essentialiste du monde
  Succès étonnant de cette projection (à expliquer)
  
  

• Les attentes (peut-être subliminales, mais d'autant plus prégnantes)
  

  Frustration : Impossibilité de décrire un acte
  Le besoin de persistance (refus de la temporalité), la quête de l'être, le quid ? le ti esti ?
  L'être, l'essence et l'existence : Platon, Aristote, Avicenne, St Thomas
  Primauté du substantif (terminologie)
  Concepts hiérarchisés, indépendants de leur contexte, indépendants des langues (ISO)
  
  

• Le miracle

  Références : Présentation résumée (2004), et texte développé (1998).
  
  La classe comme essence
  Les méthodes simulent l'existence (grâce à une indirection bien placée)
  L'héritage comme ersatz de l'indispensable subsomption entre concepts
  
  
  • Impossibilité de décrire un acte ?
    Qu'à cela ne tienne ! - décrivez donc l'acteur - ou plutôt l'actuateur - qui effectuera cette action
    
    
  • Du concept indépendant de la langue au principe de réutilisation :
    Quand il s'agit de classes, l'idée de réutilisation du code trouve une justification
    dans le caractère extra-linguistique des concepts.
    
  
  

• Une programmation pour ingénieurs !

II. Limites de la PPO

• Ça marche dans de nombreux cas,

  notamment les artefacts humains, domaine de l'ingénieur.
  [Réflexion postérieure à l'exposé]
  Ça marche dans les domaines des artefacts, et à condition d'adopter un point de vue précis.
  voir les exemples d'ontologies....
  Mais l'ironie du sort veut que l'analyse essentialiste ait été inventée à une toute autre fin,
  justement pour explorer le domaine du sacré :
  cf. Platon et l'ousia dans le Phédon,
  et ensuite les débats de la christologie (ousia/substantia/essentia/persona/prosopon, etc)
  

• mais... tout n'est pas réifiable !

  Ne serait-ce que les langues naturelles...
  Précédents illustres :
  
  • postulat d'existence de l'égalité en soi dans le Phédon,
  • la vertu traitée comme une abeille dans le Ménon
    
  
  

• Limites du sens commun
  

  • la physique d’Aristote [...] s’accorde — bien mieux que celle de Galilée — avec le sens commun et l’expérience quotidienne [...]
    Elle se refuse à substituer une abstraction géométrique aux faits qualitativement déterminés de l’expérience et du sens commun 
    [A. Koyré, Galilée et la révolution scientifique du XVIIe siècle, 1973, page 201 ].

    le sens commun est — et a toujours  été — médiéval et aristotélicien. [ibid.]
    

  • Jean-Yves Girard et le thomisme
    Ref Le point aveugle
    Le thomisme, qui régente discrètement la culture occidentale, nous ramène toujours dans les mêmes ornières. (p. 4)
    

  • G. K. Chesterton sur le thomisme (cité par Wikipedia)
    Against all this the philosophy of St. Thomas stands founded on the universal common conviction that eggs are eggs.

• Un exemple de dépassement du sens commun

  L'histoire de la systématique (de Linné à la cladistique)
  

III. Déclin de la PPO

• Prépondérance du réseau

  Les objets se répartissent mal !
  

• Primauté de l'échange

  XML et les objets : on oublie les méthodes !
  RCO (Représentation des Connaissances par Objets): Retour aux données (semi-structurées)
  tout dernièrement (Semaine de la Connaissance, Nantes 2006) Moisuc & al.
  

• Orientation vers les services

  Service Oriented Architecture
  Prédominance du contrat (plus qu'une simple signature dans une API).
  
  [Réflexion postérieure à l'exposé]
  Notons que, au moins dans un premier temps, l'orientation vers les services
  vient verser de l'eau au moulin de l'ingénierie des modèles (MDE) :
  en effet, la vision des services fait abstraction de toute implémentation,
  et sur ce chemin il faut d'abord faire abstraction du langage d'implémentation,
  ce qui est précisément la démarche des modélisteurs.
  La difficulté, ici comme ailleurs, est de faire entrer en machine la notion de contrat !
  
  
• Et les composants ?
  

Conclusion