حكيم عمر
خيّام نيشابوری
رباعيّات
Quatrains du sage Omar Khayyâm de Nîshâpûr
[v.o. 2005 - m.à.j. 04/09/2017 - les liens brisés ont été conservés
pour mémoire, d'autres ont été ajoutés]
Khayyâm, au hasard des livres et des
sites...
Notes de lecture de Jean-François Perrot, ignorant en quête de
savoir,
sous l'impulsion de Reza Razavi
Il y a environ un millier de quatrains attribués au mathématicien,
astronome et philosophe persan Omar Khayyâm (1048 - 1131).
Leur authenticité est le plus souvent douteuse (voir l'introduction de
G. Lazard).
Il convient donc avant toute chose de préciser ce qu'on entend par Les quatrains d'Omar Khayyâm.
Nous ferons appel à 7 collections dont voici les références : dans la
suite, "M.68"
désigne le quatrain n° 68 dans l'édition de V. Monteil, etc.
Références
- Éditions bilingues persan-français, disponibles en librairie
(janvier 2005) :
(toute traduction est réputée infidèle si elle n'est pas accompagnée du
texte original)
- [L] Omar Khayyâm : Cent quatrains de libre pensée,
choix, introduction et traduction par Gilbert Lazard,
Gallimard (Connaissance de l'Orient) 2002.
- [M] Omar Khayyâm :
Quatrains, Hafez : Ballades, inroduction, traduction et notes
par
Vincent-Mansour Monteil,
Sindbad (Bibliothèque persane) 1983, réédition 1996. (172 quatrains,
d'un seul manuscrit)
- [N] Omar Khéyam : Quatrains,
introduction, traduction [et notes] par J.B. Nicolas, Paris 1867,
réédition Jean Maisonneuve 2000. (464 quatrains)
- Nous ferons une exception en faveur de l'édition de Sadegh
Hedayat, grand admirateur de Khayyâm :
Les Chants d'Omar Khayam, édition critique, trad. M.-F.
Farzaneh et J. Malaplate, José Corti, Paris, 1993.
Texte
persan original (autrefois)
disponible
sur le site
Adabkade.com
:
http://www.adabkade.com/library/hedayat/tarane-haye-khayam/
- Sites Web proposant des recueils plus ou moins complets en persan
(ceux que j'ai rencontrés...) :
- [P] Persian Digital Library (sélection de 20
quatrains en html/UTF-8)
- [W] Wordtheque.com (176 quatrains en html/UTF-8) [disparu]
http://www.wordtheque.com/pls/wordtc/new_wordtheque.w6_home_author.home?code_author=14484&lang=FA
- [A] Adabkade.com, The Bank
of Persian Literature (275 quatrains en text/UTF-8,
numérotés !) [disparu]
http://www.adabkade.com/library/khayam/
- [F] Site de Behrouz Homayoun Far, un de nos collègues à
Calgary
(144 quatrains en pdf, texte persan en typographie normale, numérotés,
avec bande audio mp3) [disparu]
http://www.enel.ucalgary.ca/People/far/hobbies/iran/khayyam.html
Auxquels il faut ajouter aujourd'hui (septembre 2017) deux sites
majeurs :
- Sites Web donnant une sélection de quatrains avec la célèbre
adaptation anglaise d'Edward Fitzgerald (1859)
- Site de Shariar Shariari (60 quatrains, à 10 par page Web -
texte persan calligraphié en nasta`liq,
photographié,
traduction littérale en anglais, interprétation, version Fitzgerald et
version en allemand)
http://www.okonlife.com/poems/
- Site de B.H. Far (62 quatrains en pdf, texte persan en
typographie normale, et version Fitzgerald, numérotés) [disparu]
http://www.enel.ucalgary.ca/People/far/hobbies/iran/Robaii/khayyam.pdf
- Sites consacrés à la version de Fitzgerald (qui est une œuvre
majeure de la poésie anglaise du XIXè siècle)
- ils sont nombreux... voyez Wikipedia
- celui de ArabianNights donne les différentes éditions, les
introductions et les notes : [introuvable]
http://www.arabiannights.org/rubaiyat/
- Sites consacrés à Khayyâm lui-même
- la plupart des livres et des sites donnant un recueil de
quatrains proposent aussi une introduction avec biographie
(qui est nécessairement soit courte, car on sait peu de choses, soit
légendaire :
Khayyâm compagnon du grand vizir Nizam-ol-Molk et de Hassan-e Sabbah,
le chef des Assassins d'Alamut...)
- le site canadien ci-après (en construction) promet d'aborder
également son œuvre astronomique : [disparu]
http://www.geocities.com/sitabhra/khayyam/
- et maintenant, bien sûr... Wikipédia
en diverses langues !
Note sur les traductions
- La version de Fitzgerald est notoirement éloignée du texte, quand
ce dernier peut être déterminé de manière univoque
(cf. l'introduction de V. Monteil). C'est le prix à payer pour créer
une œuvre qui a marqué son époque !
Par exemple, d'où vient le célébrissime n° 1 de la 1ère édition
(d'ailleurs amendé par la suite) ?
AWAKE! for Morning in the Bowl of Night
Has flung the Stone that puts the Stars to Flight:
And Lo! the Hunter
of the East has caught
The Sultan's Turret in a Noose of Light.
Je peux apporter un témoignage quant à sa popularité : dans une bande
dessinée australienne décrivant la vie dans le bush,
il y a une trentaine d'années, un personnage s'écriait :
AWAKE! for Morning in the Bowl of Night
Has flung the Stone that puts the Stars to Flight:
And what is
more, the creek is up
And all the cows is
drowned.
Le traitement du Kuza-Nama (54-66) est-il un bon exemple de ces belles
infidèles, ou bien vient-il du manuscrit ?
- La traduction de V. Monteil est, comme il le dit lui-même, plus
fidèle que précise.
En particulier, le choix d'une forme versifiée et rimée conduit le
traducteur à s'éloigner de la lettre du texte
plus qu'il n'est nécessaire pour interpréter la pensée de l'auteur.
- La traduction de G. Lazard, pourtant soumise aux mêmes
contraintes, est souvent plus près du texte.
- L'effort de J.-B. Nicolas, s'il n'a pas eu la gloire de son
contemporain Fitzgerald, a eu le mérite d'attirer l'attention de
Théophile Gautier
(voir l'introduction de G. Lazard, p. 14 et ici un exemple de
correspondance).
Pour qui souhaite s'approcher au plus près de la pensée de Khayyâm, il
est le meilleur guide.
- Le but des présents essais est d'analyser le texte sans autre
souci que de comprendre ce que dit Khayyâm.
De tracer la charpente grammaticale, fil d'Ariane indispensable pour
entrer dans le labyrinthe du poème.
(Le persan n'est pas une langue très éloignée du français, et l'usage
qu'en fait Khayyâm, dans ses quatre vers, reste assez simple.)
Sur cette base, chacun à son gré trouvera une infinité
d'interprétations...
et appréciera en connaissance de cause les trouvailles des traducteurs.
Note sur la forme du quatrain
رُباعي rubâʿî
,
au pluriel رُباعيّات rubâʿyyât
mot arabe dérivé de la racine verbale ربع rbʿ
= donner une forme carrée, d'où est aussi dérivé le numéral
أربعة arbaʿah
= quatre)
- La métrique : je ne sais pas.
- Les rimes : AABA (assez fréquemment, A = B)
V. Monteil insiste sur leur monotonie (p. ex. fréquence du verbe être : است ast et de ses dérivés).
N'oublions pas que le persan est une langue de type SOV
(Sujet-Objet-Verbe), avec le verbe en fin de phrase,
et comme il y a en général une phrase par vers, les désinences verbales
se trouvent "fatalement" à la rime !
On a le même phénomène en turc.
- Les idées (d'après l'introduction de G. Lazard, très
éclairante).
- Les deux premiers vers sont parallèles et introduisent un
thème.
- Le troisième fait entrer une variation.
- Le quatrième vers revient au thème (et à la rime).
Ce dernier vers concentre donc toute l'énergie du poème, à la manière
d'une pointe,
comme dans un sonnet de Du Bellay ou de Hérédia.
- Le quatrain est dans la tradition persane un genre mineur,
nous explique G. Lazard.
Il est sans doute mieux adapté au goût occidental moderne que les
genres
nobles (et longs), les qasideh et les mathnavi.
C'est merveille de voir en si peu d'espace se tendre le ressort qui va
lancer le dernier vers,
tel un carreau d'arbalète...
Note sur le vocabulaire et sur quelques-uns des thèmes fréquemment
rencontrés
- L'omniprésente terre, poussière خاك
ḫâk
qui sert de pôle négatif dans des oppositions avec la nature, avec le
vin, avec les autres éléments,
et qui est l'ingrédient principal du thème du
potier.
- Le potier (كوزه گر kozehgar)
et ses pots (كوزه kozeh) : les
pots sont faits de la poussière (خاك) des morts...
- La nature, manifestée par la fleur (گل
gol), souvent une tulipe (لاله
lâleh), et par la verdure, l'herbe verte ( سبزه
sabzeh) :
toutes redeviendront poussière...
(emploi très fréquent de شدن šodan devenir)
- Le vin, désigné tantôt par le mot persan می
mey, tantôt par le mot arabe شراب šarâb,
souvent accompagné de l'échanson ساقی sâqi,
mystérieux androgyne (pas de genre grammatical en persan !),
et de l'injonction bois (du vin) ! می خور
mey ḫor ou می نوش mey noš
- avant de redevenir poussière...
(Le verbe خوردن ḫordan au sens propre signifie manger,
c'est pourtant le plus employé en persan pour boire.)
- Les quatre éléments : l'eau آب
âb, le feu آتش âteš,
la terre خاك ḫâk et l'air
باد bâd
- Les fastes de l'Iran antique, souvenirs du Livre des Rois, Kaykâvous ou Bahrâm
Gour,
version persane du très chrétien Reminiscere quod pulvis es et ad
pulverem reverteris.